15 Août 2017
Le terme japonais signifie “encre noire” (sumi) et “peinture” (e) et indique une des formes d’art dont les sujets sont peints à l’encre noire, en dégradés variant du noir pur à toutes les nuances que l’on peut obtenir en le diluant avec de l’eau.
Mais ceci ne veut pas dire que tout ce qui est peint ainsi puisse mériter le nom de “sumi-e”.
Le vrai sumi-e doit répondre à des caractéristiques déterminées et typiques, comme par exemple la sobriété et la spontanéité qui touchent directement la sensibilité du spectateur. Pour qu’une peinture soit vivante, tous ses composants doivent être vivants. Ce type de peinture inclut déjà le dessin, aucun trait préparatoire n’est nécessaire, chaque forme ou détail superflu est négligé. Le sumi-e cueille l’essence de la nature.
Le sumi-e fut introduit au Japon par des moines Zen et y connut un rapide succès car, dans cette méthode picturale, comme dans la pratique du Zen, l’expression du réel est réduite à sa forme pure, spoliée. Les retouches, les ajouts, les décorations en réalité n’embellissent pas une œuvre mais en offusquent seulement la vérité naturelle, sa propre nature. C’est un peu comme en cuisine: si l’on met trop de condiments ou d’épices, on ne sentira plus le goût de ce que l’on est en train de cuisiner. De même que dans le Zen où peu de mots suffisent à exprimer le sens de tant d’heures de méditation, dans le sumi-e, peu de traits d’encre noire tracés au pinceau sur une simple feuille de papier blanc permettent de représenter le modèle le plus complexe. Il faut apprendre à cueillir l’essence, la vérité telle qu’elle est.
Voyons, par exemple, ce qui se passe quand nous voulons peindre un bambou avec la technique du sumi-e: on s’assied (mais on peut également rester debout), en gardant le dos bien droit, on pose une feuille de papier devant soi et on se concentre sur celle-ci, en respirant calmement, naturellement. On laisse se dissiper toutes les autres pensées. A la fin, on ne garde en tête qu’une feuille blanche. Puis on laisse l’image à peindre se présenter à notre esprit. Pour peindre un bambou, nous devons en sentir la consistance, on “voit” le tronc, les branches, on “entend” le bruissement des feuilles légères animées par l’air ou le vent, ou encore mouillées, alourdies par la pluie. Tout notre esprit s’en imprègne et, d’une certaine façon, on devient le bambou, c’est indescriptible. On saisit alors le pinceau et on laisse aller la main de façon naturelle et sans effort. On ne pense pas à la technique ni au résultat, il n’y a aucun effort conscient pour faire une bonne peinture. Le bambou est créé “à partir du rien”, il n’est pas purement copié. De plus, sur le papier de riz, il n’est permis qu’un seul coup de pinceau pour chaque trait; chaque retouche est immédiatement perçue. Tout cheminement mental qui complique le dessin (et la vie) est abandonné.
Nous comprenons ainsi que les pensées sur la vie ne sont pas vraiment la vie en soi. Les pensées sur le Zen ne sont pas le Zen, ce sont seulement des pensées…
Peu à peu notre bambou complet prendra forme et nous aurons une peinture incontestablement vivante.
Cette manière de peindre est complète, elle implique tout le corps. Elle n’est en rien facile, et un maître est indispensable, ainsi que s’habituer à répéter de nombreuses fois les sujets ou des détails de ces derniers.
Technique de peinture japonaise : sumi-e, par laurentsaintgermain