Gaston Lagaffe, par jasonalexanderdesloge
Le plus célèbre des gaffeurs est né du talent d’André Franquin, arrosé par la folie douce d’Yvan Delporte, rédacteur en chef du journal Spirou. Franquin était la très grande vedette de ce magazine qui connaissait alors les débuts de son âge d’or. C’est dire l’audience que reçut Gaston la première fois qu’il pointa le bout de son nœud papillon à l’entrée de la rédaction. Celui qu’on surnomme de nos jours « le héros sans emploi » avait déjà une fonction : combler de façon ludique les vides laissés par les aléas de la mise en page. Et, de gaffe en gaffe, il prit du galon, de l’ampleur, dans les pages du journal et dans l’esprit de son créateur. Franquin qui, dans les premières années, dessinait à quatre mains avec Jidéhem, se prit au jeu de l’identification pour développer un personnage à contrepied des héros de la BD franco-belge ou des personnages de comics et cartoons des lendemains de la Seconde Guerre mondiale. Jugé marginal dès ses premiers pas, Gaston remettait nonchalamment en question la notion même de hiérarchie ou de contrainte. En 1968, alors que la jeunesse criait « Il est interdit d’interdire ! », Gaston continuait de résister aux militaires, aux patrons et aux bourgeois de tous poils. Au point que les éditions Dupuis reçurent, quelques jours avant les émeutes parisiennes, un courrier des autorités leur demandant de contenir les élans anti-flics de Franquin.
GASTON REMETTAIT NONCHALAMMENT EN QUESTION LA NOTION MÊME DE HIÉRARCHIE OU DE CONTRAINTE
Rien n’arrêta Gaston ni son créateur dans ce cheminement doucement subversif. L’un et l’autre ne faisaient plus qu’un depuis longtemps, et à mesure que l’homme s’horrifiait devant les scandales humanitaires qui sévissaient dans les années 1970, Gaston hurlait sa colère, son besoin de paix et de rêve. Et, tandis que la société restait sourde à ses suppliques, Franquin se laissait aller à des idées noires, de plus en plus noires, et Gaston devenait grave, de plus en plus grave. Le dessinateur mit alors son crayon au service de Greenpeace, de l’Unicef, d’Amnesty International, pour lesquelles Gaston s’engagea. Face à la violence du monde, il lui restait cela à faire : militer. Aujourd’hui, rien de tout cela n’a changé, et à travers cette exposition, c’est bien d’art et d’engagement qu’on parle, (m’)enfin !
Gaston Lagaffe, par crystallejade