25 Novembre 2011
On peut penser que l'absence de notoriété est due à ce titre peu accrocheur mais également au caractère provincial de l’histoire. plus clairement les critiques qui font et défont les réputations littéraires auront préféré le clinquant futile de la vie des belles parisiennes (« Le père Goriot », « Illusions perdues ») à l'âpreté des intrigues provinciales.
Fils d’un administrateur loyal, intègre et dévoué de l’Empire, Philippe Bridau est un officier brillant des armées napoléoniennes (chef d'escadron et officier de la légion d'honneur à 20 ans). Il a tout perdu avec la chute de l'Empire et promène son ressentiment dans les bas-fonds de Paris. Homme courageux, Bridau est surtout un être cynique, brutal et sans morale qui ne voit pas pourquoi il ferait des efforts alors que gloire et richesses lui tendent les bras. Après la participation inopportune à une tentative hasardeuse de coup d'Etat, Philippe est assigné en résidence surveillée à Issoudun. Il y retrouve un oncle, dégénéré richissime qui ne survit qu'avec l’assistance d'une jeune et belle femme, son âme damnée, la Rabouilleuse (au lecteur d'y découvrir le pourquoi d'un tel surnom). La richesse de Rouget, l’oncle, est trop importante pour ne pas susciter les convoitises. Dans un ballet tragique, deux hommes, Bridau et Gilet, vont s'affronter pour la conquête de la fortune et, accessoirement de la Rabouilleuse.
La Rabouilleuse est un remarquable roman qui vaut aussi bien par ses caractères que par la description intime et détaillée d'une petite ville de province étouffante. On ne peut manquer, sur ce trait, de penser à « La muse du département » ou à « Ursule Mirouët ». Le lecteur attentif appréciera la description de l'indigente misère affective de la petite bourgeoisie locale chez qui l’accumulation obsessionnelle et dévoyée des biens finit par devenir la seule raison d'être.
Mais surtout, et c'est ce que l’on préfère chez Balzac, la galerie de portraits est ici exceptionnelle car plusieurs personnages emblématiques se croisent. La famille Bridau tout d'abord : Agathe, la mère, est une femme aveuglée par son amour maternel (thème récurrent chez Balzac, de la bonté dévoyée plus destructrice, par sa faiblesse, que bien des vices) ; le frère, Joseph, peintre naissant, que l'on retrouvera souvent dans d’autres romans, est l'antithèse de Philippe. Maxence Gilet, alter ego de Philippe, tout aussi courageux et amoral, est également une belle figure qui détaille encore plus et « a contrario » l'âme de Philippe Bridau. La Rabouilleuse est un roman âpre, noir et amer qui broie l'estomac de ses lecteurs. L’ascension énergique, brutale et cynique de Philippe Bridau est insupportable, d’autant plus insupportable qu'elle est involontairement soutenue par la bêtise et l'incurie de ses proches qui ne partagent en rien sa bassesse.
Ainsi est Balzac, extraordinaire descripteur d’une nature humaine tour à tour grandiose et désespérante.
La Rabouilleuse, voilà un titre qui sent son roman de gare à plein nez. Pour un peu, on y verrait du Guy des Cars en pleine forme. Et pourtant… C'est un des romans les moins connus de Balzac mais paradoxalement un de ses plus denses.
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Pour les personnes intéressées par la version classique, ci-joint le format pdf
http://fr.wikisource.org/wiki/La_Rabouilleuse