12 Septembre 2013
En 1839, le physicien Eugène Chevreul publie son ouvrage « De la loi du contraste simultané des couleurs et de l'assortiment des objets colorés d'après celle loi dans ses rapports avec la peinture ». Ce livre capital et les publications qui lui succèdent sur toute la suite des études et des expériences de Chevreul sur la décomposition de la lumière par le prisme et sur le cercle chromatique, vont exercer une influence profonde sur la peinture impressionniste : elle en tire la leçon fondamentale que les couleurs ne sont pas la propriété des choses, qu'il n'y a pas de « ton local », que toute couleur perçue appelle sa complémentaire. Ainsi le noir n'existe pas, tout est coloré, jusqu'aux ombres, lesquelles peuvent être violettes. Ainsi s’explique le célèbre mort de Renoir : « Un matin, l’un de nous manquant de noir, se servit de bleu : l’impressionnisme était né ! » Le monde est en constante activité chromatique : ce jeu perpétuel de couleurs est même sa principale activité…
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Michel-Eugène Chevreul (1786-1889), sans doute vers 1883, photographié probablement par Félix Nadar |
Pour les impressionniste, les couleurs agissent les unes sur les autres dans la réalité même et les diverses parties du paysage à représenter, mais aussi en fonction du temps qui passe. Les couleurs constituent l’ensemble des choses, la réalité en infini changement.
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Claude Monet : Peupliers sur l'Epte. 1891. Huile sur toile, 64 cm x 101 cm. Londres, National Gallery |
La lumière n’est pas uniquement naturelle ; elle peut provenir de l’éclairage artificiel de la ville, l'effet d'enchantement est le même. Le gaz fait scintiller le bal nocturne de Montmartre comme le soleil estival une partie de canotage à Bougival ou à Chatou, ou encore le théâtre sous les feux de la rampe…
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Edouard Manet : blonde aux seins nus. 1875. Pastel à l’huile. Paris, musée d’Orsay |
Voici un art qui confère à la lumière le pouvoir absolu sur le monde, mais pour lui faire éclairer la fugacité de toutes choses. Il y a dans cette contradiction le mot final de la philosophie de l'impressionnisme, contradiction entre cette joie cosmique, l'une des plus vives et éclatantes qu'aucun art ait jamais chantée, et la conscience poignante du caractère passager de cette joie. Il y a de la mélancolie dans l’impressionnisme : cette mince superficie de fragiles et délicieux reflets, cette apparence, c'est l'illusion.
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Camille Pissarro : Le jardin des Tuileries un après-midi d'hiver. 1899. Huile sur toile. New York, Metropolitan Museum of Art |
La musicalité de la peinture
Baudelaire commente dans ses « Salons » de nombreux tableaux de Delacroix pour lesquels il utilise un vocabulaire musical (cf. la partie documents du dossier). Il existe un commentaire
pour le tableau de Delacroix Moulay Abd Er Rahman sortant de son palais de Meknes,
conservé au musée, riche d’enseignement sur la connaissance de la couleur par le critique. Il y repère une capricieuse mélodie, et de prodigieux accords de tons, une harmonie, termes autant musicaux que picturaux que nous tenterons de définir.
Eugène Delacroix, Moulay abd-er-Rahman, sultan du
Maroc, sortant de son palais de Meknes